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Digital | Stream : Clipping : et si on jouait à pile ou face pour analyser ce phénomène ?

clipping_clipfarming_juridique

Impossible d’y échapper aujourd’hui sur TikTok, YouTube, Instagram et consorts. A peine connecté, ces plateformes vous plongent dans un flot de vidéos courtes (Reels, Shorts, etc.) souvent composées d'extraits de contenus de personnalités du web repris par des comptes très souvent non officiels.  

Sur Twitch, par exemple, la fonctionnalité « éditeur de clips » permet aux spectateurs d'extraire des moments forts d’un live (diffusion en direct), ou d’une vidéo, pour les republier et générer des vues, des likes, voire… du buzz.  

C’est cette mise en avant et multiplication des extraits qui caractérise le clipping

A force de persévérance, les clips se trouvent monétisés et les clippers récompensés de leur labeur. 

Côté Pile : Une atteinte claire aux droits des créateurs

Du point de vue du droit, ces pratiques inquiètent clairement les droits d’auteur : 

  • L’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) interdit toute reproduction ou représentation partielle ou intégrale d’une œuvre sans autorisation (ce qui est très souvent le cas, sauf exceptions). Cette protection s’étend aux créations originales des streamers (vidéos, lives…) ;  
  • Si le clip reproduit le streamer en pleine interprétation d’une œuvre, il peut être protégé par le droit des artistes-interprètes (art. L.211-1 et L.215-1 du CPI) ;  
  • Les droits voisins du producteur protègent aussi ces contenus, aussi modestes qu’ils paraissent à l’écran, ceux-ci impliquant des investissements sur plusieurs plans.  

Récemment, la Cour de cassation a rappelé que le producteur détient un droit exclusif sur les rushes, même non montés (Cass., 15 mai 2024, n° 22-24.639), et les tribunaux sont stricts quant à l’application d’exceptions aux droits d’auteurs, telles que la courte citation (TJ Paris, 23 janvier 2025, n° 22/03349).  

Nous nous trouvons donc, juridiquement, face à une infraction de ces droits. Par ailleurs, le premier réflexe serait de considérer que cela prive le créateur de revenus liés à son travail.  

Côté Face : un levier publicitaire inattendu   

Pourtant, certains créateurs eux-mêmes considèrent le clipping comme un levier important de publicité. En effet :  

  • Chaque clip repartagé génère de la visibilité, attirant plus de spectateurs vers le contenu original ;  
  • Par conséquent, ce qui s’apparente à une pratique illégale est parfois appréciée pour ses effets directs (alimentation des réseaux en contenu pour les fans) et indirects (effet de levier avec les réactions, likes, partages, et algorithmes).  

Certains streamers adoptent même une stratégie de « clip farming », selon laquelle ils provoquent ou exagèrent des réactions pour que ces séquences soient « clippées » et partagées.  

On se rend alors compte que le clipping est un phénomène ambivalent, à la croisée des questions de protection des droits et des nouvelles dynamiques digitales. Cependant, ses retombées économiques ou marketing restent difficiles à mesurer. 

Le débat est ouvert : faut-il privilégier la protection stricte des droits d’auteurs à la française, ou accepter que ce type de diffusion incontrôlée contribue à la notoriété des créateurs ?  

In fine, chacun voit midi à sa porte, et il n’y a pas (encore) de réponse toute faite.  

Quel côté de la pièce choisiriez-vous ? Le débat est ouvert, mais pour ma part, je rends ma copie en restant réservée sur ces pratiques : en effet, il reste que les créateurs de contenus peuvent recourir à des moyens juridiques de protéger leur création, tout en permettant aux clippers d'animer la communauté.

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